Transidentité : comprendre les enjeux psychiques

Comprendre la transidentité : enjeux psychiques et accompagnement thérapeutique

Qu’est-ce que la transidentité ?

La transidentité désigne le fait pour une personne de ne pas se reconnaître dans le genre qui lui a été assigné à la naissance. Être transgenre ne relève pas d’un trouble mental, mais d’une expérience intime et singulière du rapport au corps, à l’identité et au regard social.

Selon la Classification Internationale des Maladies (CIM-11) de l’OMS (2019), la transidentité n’est plus considérée comme un trouble psychiatrique, mais comme une incongruence de genre, déplacée dans la section “santé sexuelle”. Cette évolution marque une reconnaissance de la pluralité des identités de genre et la dépathologisation des vécus trans.

Identité de genre et construction psychique

L’identité de genre se construit dès la petite enfance, au croisement du biologique, du psychique et du social. Comme le souligne Stoller (1968), le genre s’élabore à travers une série de processus identificatoires complexes, où interviennent le rapport au corps, aux figures parentales et aux représentations sociales du masculin et du féminin.

Pour Judith Butler (1990), philosophe du genre, le genre n’est pas une essence mais une performance : il se construit dans les actes, les postures et les discours. Cette approche met en lumière le poids des normes sociales dans la construction identitaire, mais aussi la possibilité de s’en émanciper.

Dans une perspective psychanalytique, Colette Chiland (1997) évoque la transidentité comme un remaniement du sentiment d’identité de soi, parfois traversé par un conflit entre l’identité corporelle et l’identité psychique. La question du regard de l’autre et de la reconnaissance symbolique y est centrale.

Les souffrances psychiques liées à la transidentité

Les personnes trans peuvent traverser des souffrances profondes, liées à la dysphorie de genre, à la stigmatisation ou à la discrimination sociale. La dysphorie de genre renvoie à l’inconfort psychique ressenti lorsque le corps ou les signes sociaux du genre ne correspondent pas à l’identité vécue. Elle peut se manifester par :

  • une anxiété ou une dépression récurrente,
  • un rejet du corps ou un désir intense de transformation,
  • des troubles de l’estime de soi,
  • un isolement social ou familial.

Ces souffrances sont souvent aggravées par le manque de reconnaissance institutionnelle ou sociale, voire par des expériences de transphobie. Plusieurs études (Grant et al., 2011 ; Meyer, 2015) ont montré que le stress minoritaire subi par les personnes trans est un facteur de risque majeur pour la santé mentale.

Le rôle du psychologue dans l’accompagnement des personnes trans

La psychothérapie n’a pas pour objectif de “corriger” ou de “normaliser” l’identité de genre mais d’accompagner le sujet dans la reconnaissance et l’affirmation de soi. Elle offre un espace sécurisant et bienveillant pour explorer :

  • le rapport au corps et aux transformations physiques,
  • les conflits intérieurs entre identité intime et image sociale,
  • la peur du rejet familial ou social,
  • les traumatismes liés aux discriminations.

Dans cette démarche, le psychologue s’appuie sur une écoute non pathologisante, un respect absolu du vécu subjectif et une approche inclusive. Certaines approches thérapeutiques sont particulièrement aidantes :

  • La thérapie d’affirmation de genre (Budge et al., 2013), centrée sur la valorisation de l’identité et la résilience ;
  • L’approche humaniste (Rogers, 1957), favorisant la congruence entre soi vécu et soi perçu ;
  • Les approches psychanalytiques contemporaines, permettant d’élaborer les conflits internes et les enjeux de reconnaissance symbolique.

Retrouver une identité affirmée

Le processus de transition, qu’il soit social, hormonal ou chirurgical, ne constitue pas une fin en soi mais un chemin de subjectivation. La thérapie accompagne cette traversée pour que le sujet retrouve une unité interne, en accord avec son identité vécue. Cette affirmation de soi passe souvent par :

  • la reconstruction du narcissisme,
  • l’intégration du nouveau corps dans l’image de soi,
  • la réappropriation de la parole sur son histoire et son devenir.

La psychothérapie aide ainsi la personne trans à se reconnaître comme sujet, à trouver une place symbolique et sociale stable, et à vivre son identité dans la cohérence et la dignité.

Conclusion

La transidentité ne relève pas d’une pathologie, mais d’une diversité des expériences humaines du genre. Le rôle du psychologue est d’accompagner le sujet dans sa quête d’unité et de reconnaissance, en soutenant son droit à l’autodétermination et à une identité affirmée. C’est dans ce travail d’élaboration et de symbolisation que la personne peut retrouver une continuité psychique et s’épanouir pleinement dans son être au monde.

Références bibliographiques

  • American Psychiatric Association. (2022). Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (5th ed., text rev.; DSM-5-TR). Washington, DC.
  • Butler, J. (1990). Gender Trouble: Feminism and the Subversion of Identity. Routledge.
  • Budge, S. L., Adelson, J. L., & Howard, K. A. S. (2013). Anxiety and depression in transgender individuals. Journal of Consulting and Clinical Psychology, 81(3), 545–557.
  • Chiland, C. (1997). Changer de sexe : Illusion et réalité. Odile Jacob.
  • Grant, J. M., et al. (2011). Injustice at Every Turn: A Report of the National Transgender Discrimination Survey. National Center for Transgender Equality.
  • Meyer, I. H. (2015). Minority stress and mental health in gay men. Journal of Health and Social Behavior, 36(1), 38–56.
  • Stoller, R. J. (1968). Sex and Gender: The Development of Masculinity and Femininity. Science House.
  • World Health Organization (WHO). (2019). International Classification of Diseases, 11th Revision (ICD-11).

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