Addiction au sexe et Chemsex

Pour introduire l’addiction au sexe, aussi appelée trouble du comportement sexuel compulsif, nous affirmons qu’elle se caractérise principalement par une perte de contrôle sur les comportements sexuels. Ainsi, malgré la souffrance qu’elle génère, la personne continue à rechercher des situations sexuelles. Et cela, bien souvent au détriment de sa vie personnelle ou professionnelle. En outre, qu’est ce que le chemsex dans tout cela ?

Qu’est-ce que l’addiction au sexe ?

Tout d’abord, L’OMS a reconnu ce trouble dans la CIM-11 (2018), précisant qu’il s’agit d’une conduite persistante, centrée sur le sexe, échappant à la régulation volontaire.

Ainsi, sur le plan neurobiologique, les mêmes circuits de la récompense dopaminergique que dans les addictions aux substances sont impliqués (Volkow & Koob, 2015). Psychologiquement, le comportement sexuel compulsif peut servir à fuir une angoisse, une solitude ou une souffrance identitaire.

Le chemsex : quand les drogues s’invitent dans la sexualité

Le chemsex (contraction de chemical et sex) désigne l’usage de substances psychoactives (telles que la méthamphétamine, le GHB/GBL, ou les cathinones comme la 3-MMC) dans un contexte sexuel afin d’amplifier le plaisir, la désinhibition ou l’endurance.

En effet, des pratiques, bien que minoritaires, sont en forte augmentation dans certaines communautés HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes). L’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) estime qu’environ 13 à 14 % des HSH ont pratiqué le chemsex dans les 12 derniers mois (OFDT, 2024).

De plus, certaines pratiques, comme le slam (injection intraveineuse de produits), augmentent encore les risques sanitaires (IST, overdose, dépendance physique).

Pourquoi le chemsex touche-t-il davantage les populations gay et bisexuelles ?

A ce jour, les études (Bourne et al., 2015 ; Weatherburn et al., 2019) soulignent que le chemsex s’inscrit dans des dynamiques psychosociales spécifiques :

1/ Stress minoritaire : les personnes LGBT+ subissent souvent des discriminations, un rejet familial ou une homophobie intériorisée. Le chemsex peut alors devenir une recherche d’appartenance et de soulagement émotionnel.

2/ Normalisation dans certains milieux : dans certains contextes festifs ou via les applications de rencontres, la pratique du chemsex peut être perçue comme un mode de socialisation.

3/ Quête identitaire et corporelle : certaines personnes utilisent le chemsex pour explorer leur sexualité ou pallier une image de soi fragilisée.

Ainsi, ce phénomène ne reflète pas un « problème communautaire » mais bien une interaction complexe entre société, identité et vulnérabilité psychique.

Addiction au sexe et chemsex : un cercle de renforcement

L’association entre sexualité compulsive et usage de drogues repose sur un renforcement mutuel :

  • Les substances amplifient les sensations, réduisent les inhibitions et peuvent donner l’illusion d’une performance sexuelle accrue.
  • En retour, la sexualité intense devient un stimulus puissant pour la recherche de drogue, formant une boucle addictive.
  • Ce mécanisme s’appuie sur la voie dopaminergique de la récompense (Koob & Volkow, 2016), rendant la désintoxication d’autant plus difficile.

Psychiquement, ces pratiques peuvent être associées à des traumatismes anciens, à la honte ou à des difficultés de régulation émotionnelle. La sexualité sous drogue devient alors une tentative de contrôle paradoxal d’un vécu intérieur douloureux.

Conséquences physiques, psychiques et sociales

Sur le plan physique : les IST (VIH, hépatite C, syphilis), déshydratation, troubles cardiaques, overdose, altération cognitives.

Au niveau psychique : l’anxiété, la dépression, l’isolement, les troubles du sommeil ainsi que la perte de repère identitaire.

Enfin, sur le plan social : rupture des liens affectifs, perte de travail, honte et isolement communautaire.

Le sentiment de vide post-session, souvent rapporté par les personnes concernées, illustre bien cette ambivalence entre excitation et effondrement.

Santé mentale : prise en charge et accompagnement psychologique

Un accompagnement efficace du chemsex nécessite une approche intégrée :

1/ Travail sur les motivations : explorer le sens de ces pratiques, les besoins sous-jacents (reconnaissance, valorisation, lien).

2/ Soutien addictologique : repérage des usages à risque, orientation vers des dispositifs spécialisés (CSAPA, associations type AIDES, Chemsex Support)

3/ Thérapie individuelle ou de groupe : aborder la honte, les trauamas sexuels ou non, la gestion de l’impulsivité et la relation au corps.

4/ Réduction des risques : information, dépistages réguliers, usage de matériel stérile, soutien entre pairs.

    Le psychologue joue ici un rôle clé pour réintroduire la dimension symbolique du désir, là où le corps et la drogue avaient pris toute la place.

    En bref

    Le chemsex et l’addiction au sexe interrogent notre rapport contemporain au plaisir, au corps et à l’intimité. Derrière la recherche d’intensité se cache souvent un besoin de reconnaissance, de lien ou d’échappatoire. Comprendre ces pratiques sans jugement, en leur restituant leur dimension psychique, est essentiel pour accompagner celles et ceux qui en souffrent.

    Références théoriques et cliniques

    • Bourne, A., Reid, D., Hickson, F., Torres-Rueda, S., Steinberg, P., & Weatherburn, P. (2015). “Chemsex” and harm reduction need among gay men in South London. International Journal of Drug Policy, 26(12), 1171–1176.
    • Koob, G. F., & Volkow, N. D. (2016). Neurobiology of addiction: a neurocircuitry analysis. The Lancet Psychiatry, 3(8), 760–773.
    • Ryan, R. M., & Deci, E. L. (2000). Self-determination theory and the facilitation of intrinsic motivation, social development, and well-being. American Psychologist, 55(1), 68–78.
    • OFDT (2024). Chemsex : retour sur 15 ans d’usages de drogues en contexte sexuel en France.
    • Volkow, N. D., & Koob, G. F. (2015). Brain disease model of addiction: why is it so controversial? The Lancet Psychiatry, 2(8), 677–679.

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