Notre rapport à l’argent occupe une place centrale dans nos vies : il influence nos choix, nos projets, nos relations. Pourtant, notre manière de gérer, de dépenser ou d’économiser n’a rien de rationnel. Elle est profondément influencée par notre histoire psychique et notre monde inconscient.
Loin d’être un simple outil économique, l’argent est un symbole : de valeur, de sécurité, de manque, de désir. La psychologie et la psychanalyse montrent que notre rapport à celui ci révèle une part intime de qui nous sommes.
L’argent : un héritage psychologique venu de l’enfance
Le rapport à l’argent se construit très tôt, bien avant que nous ne gagnions notre premier euro. Nos croyances viennent souvent de l’enfance, à travers :
- les attitudes parentales (« il faut être prudent », « l’argent est dangereux », « on ne manque jamais de rien »),
- les expériences de manque ou d’abondance,
- la honte ou la fierté associée aux dépenses,
- la façon dont la valeur personnelle était reconnue ou non.
Ainsi, deux adultes ayant le même niveau de revenu peuvent avoir un rapport totalement opposé à l’argent.
Ce qui fait la différence, c’est l’histoire émotionnelle derrière chaque euro.
Freud et l’argent : contrôle, rétention et valorisation
Freud fait un lien direct entre l’argent et la phase anale du développement.
Il observe des équivalences symboliques entre :
- propreté / saleté,
- don / rétention,
- maîtrise / lâcher-prise.
Selon Freud, les premières expériences liées à la propreté (retenue, contrôle, valorisation ou punition) influencent plus tard le rapport à l’argent.
Ainsi, chez l’adulte :
- celui qui économise à l’excès peut chercher à maintenir un contrôle strict,
- celui qui dépense sans compter peut tenter de se libérer d’une tension interne,
- celui qui donne beaucoup peut éprouver un besoin de réparation ou de purgation,
- celui qui refuse catégoriquement de prêter peut être pris dans une dynamique inconsciente de rétention.
Freud montre que l’argent est un objet substitutif utilisé pour gérer des conflits internes inconscients.

Lacan : l’argent comme signifiant du désir et du manque
Lacan, quant à lui, conceptualise l’argent comme un signifiant majeur du désir.
Pour lui, l’argent n’est jamais simplement économique : il est pris dans l’ordre symbolique qui structure chaque sujet.
Il devient alors un indicateur de :
- notre rapport au manque,
- ce que nous pensons valoir,
- la place que nous cherchons dans le désir de l’autre,
- ce que nous croyons devoir donner pour être aimés.
Lacan rappelle que le sujet humain est structuré par un manque fondamental.
Ce manque, impossible à combler, peut être déplacé vers l’argent :
amasser pour combler, dépenser pour exister, offrir pour être reconnu, refuser pour se défendre.
Dans cette perspective :
- celui qui accumule cherche souvent la maîtrise du manque,
- celui qui dépense cherche parfois à éviter le vide intérieur,
- celui qui n’ose pas demander sa valeur (prix, salaire) lutte contre un sentiment d’indignité,
- celui qui est toujours “à découvert” rejoue inconsciemment une position de dépendance.
Ce que votre rapport à l’argent révèle de vous
La peur de dépenser
Souvent liée à un vécu ancien d’insécurité ou à une angoisse de perte.
Les dépenses compulsives
Elles peuvent compenser une tension émotionnelle ou une difficulté à tolérer le manque.
La culpabilité à se faire plaisir
Elle indique parfois une croyance profonde : “Je ne mérite pas” ou “le plaisir se paie”.
L’excès de générosité
Le don peut devenir un moyen d’obtenir l’amour, l’approbation ou la reconnaissance de l’autre.
L’évitement des questions financières
Il peut révéler une difficulté à se positionner, à se sentir légitime ou à prendre sa place.
L’argent dans la relation : un langage silencieux
Dans les couples, les familles ou les relations professionnelles, il fonctionne comme un langage inconscient.
- Qui paie ?
- Qui donne ?
- Qui contrôle ?
- Qui dépend ?
- Qui doit quelque chose à l’autre ?
Chaque position raconte une dynamique psychique : pouvoir, dépendance, autonomie, reconnaissance, désir de l’autre ou besoins non avoués. Les conflits d’argent sont rarement des conflits financiers. Ce sont souvent des conflits de valeur, de place ou de reconnaissance.
Vers un rapport plus apaisé à l’argent
Se libérer de ses blocages financiers, ce n’est pas seulement apprendre à mieux gérer son budget.
C’est surtout :
- identifier l’histoire émotionnelle attachée à l’argent,
- reconnaître les peurs héritées,
- comprendre les comportements inconscients,
- se donner la permission d’occuper pleinement sa valeur,
- redonner à l’argent sa fonction d’outil et non d’objet de tension.
Lorsque l’on comprend ce qu’il représente pour nous, il cesse d’être un fardeau et redevient un support de liberté et de choix.